dans le cadre de l'installation « Immanence »
Dentelles, video
Lace, video
CHU, Rouen
L’installation « Immanence » se compose de deux parties,
D’un côté, le film sur le témoignage de la collection de chasubles en dentelles de Mlle Eudes, décédée depuis peu. Mlle Eudes nous explique son histoire ainsi que l’histoire de la dentelle, les points, les formes, la fabrication, sa propre histoire, certains objets.
Mlle Eudes a travaillé au CHU toute sa vie en tant que laïque . Elle aime la dentelle. Un prêtre qui ne savait pas quoi faire de sa collection de vêtements liturgiques, apprend sa passion et lui transmet sa collection. Les robes sont rangées dans une armoire dans une des ailes de la Chapelle, amidonnées, et sous clé. Mlle Eudes et Mme Soiron chérissent leur dentelles. Elles ont créé certaines vitrines dans l’église pour qu'on puisse les admirer.
La collection est montrée dans son intégralité, elle qui chaque année aux Journées du Patrimoine en sortait quelques exemplaires. Dépositaire du trésor, Mlle Eudes règne sur les lieux. C’est sa tendresse, son savoir, sa vivacité et sa précision à laquelle on a voulu rendre hommage, un hommage à sa mémoire.
L’ambiguité entre la sensualité de la dentelle, la féminité des points, les gestes de ces femmes qui les entretiennent, et la religion est ici posée de manière troublante. Les motifs floraux, la technique de fabrication, tout tend ici à faire se frôler le sacré du profane, le religieux du laïc, la « verticalité » d’une pure jouissance du regard et du toucher.
De l’autre coté, un hommage est rendu au monde présent et aux usines de Calais. Le film a été pris dans la Maison des dentelles Noyon, en passant par tous les ateliers de l’usine, les innombrables mains par lesquelles passe la dentelle. La rencontre avec Benvenida Lopez a permis de me faire pénétrer et de partager les différents gestes des ateliers, tous à chaque étape sont fiers du produit fini, ont les doigts savants depuis des générations.
Les Quatres objets suspendus ont été réalisés avec de la dentelle de Calais, offertes par Noyon.
Ces objets évoquent des voiles, mariées ou fantômes en suspension, « présences vides ».
« Comment donner à la croyance le support visuel d’un désir de voir l’Absent ? ( …) et ils en vinrent quelquefois à cette solution radicale, simple autant que risquée ; inventer un lieu, non pas creux tout bonnement, mais déserté. Suggérer au regard un lieu où « Il » serait passé, où « Il » aurait habité--- mais d’où à présent, « Il » se serait de toute évidence absenté. Un lieu vide, mais dont le vide aurait été converti en marque d’une présence passée ou imminente. Un lieu porteur d’évidence donc on d ‘évidance comme on voudra. »
Geoges Didi Hubermann, L’homme qui marchait dans la couleur,
La présence ici est en négatif. L’idée de transcendance adopte une autre forme.
« Il y a religion chaque fois qu'il y a transcendance, Etre vertical, être impérial, au ciel ou sur la Terre, et il y a philosophie chaque fois qu'il y a immanence. »"
Gilles Deleuze, Logique du sens
A la verticalité, opposer la surface, la texture de la peau, l'enveloppe.
A la transcendance, opposer l’immanence, l’en- soi, « l’évidance ».
Dans ces paysages « neigeux » : des pertes de repères et de sens qui brouillent la vue et l’espace Dans la répétition, la superposition, l’effacement : des couches d’invisibles et de « creux ».
Le rapport entre le film de Calais et les objets suspendus tend à mettre en résonance et à opposer deux visions, celles technique de l’usine, celle « mystique » et esthétique de l’objet pourtant « évidé ».
La dentelle intrinsèquement, dans sa fabrication, ne contient t elle pas déjà ses usages futurs : la mode, la beauté, la robe de baptême, de communion, de mariée, la robe du prêtre, le sous- vêtement et le linceuil du mort ?